Qui a dit : L’éthique est, pour les individus autonomes et responsables, l’expression de l’impératif de reliance. Tout acte éthique , répétons-le, est en fait  un acte de reliance, reliance avec autrui, reliance  avec les siens, reliance avec l’humanité, et, en dernière instance, insertion dans la reliance cosmique.

C’est Edgar Morin qui a illustré ce concept de reliance créé par Marcel Bolle de Bal. Pour Edgar Morin être reliant se distingue d’être relié. En effet, le participe passé « relié » employé comme adjectif est passif. A l’opposé le participe présent employé comme adjectif dans « être reliant »  est actif : il désigne de la part du sujet une action que le sujet met en œuvre et qui est une action de reliance. L’opposé de la reliance est la déliance.. Les forces de déliance peuvent  diviser les pays, les peuples, les familles.  Dans un monde où les forces de dislocation sont si puissantes et sèment la haine et la division (pensons en ce mois de mars 2022 à la guerre en Ukraine), l’éthique de reliance sonne comme un impératif pour conduire à la fraternité et à l’amour. L’amour est « l’expression supérieure de l’éthique » et « la reliance anthropologique suprême ». Kant se référait à sa manière à ces mêmes forces antagonistes quand il évoquait « l’insociable sociabilité de l’homme ».  Bruno Bettelheim, évoquant la Shoah rappelait que « nous ne pouvons pas appréhender la nature et les implications des camps de la mort si nous refusons de regarder en face les tendances destructives de l’homme ». Il rappelait que Freud pensait que chez l’homme les pulsions de vie et les pulsions de mort se livrent une bataille perpétuelle. Etre reliant c’est vouloir que dominent en nous, chez Autrui, dans la société, les pulsions de vie, celles qui conduisent à la fraternité.

Il peut aussi surgir des tensions éthiques entre les visées de la reliance. Ainsi la reliance à l’égard d’Autrui porte à l’amitié, à l’amour, à l’altruisme tandis que la reliance à l’égard du groupe social porte à l’obéissance à ses règles, à ses normes et à la solidarité. Mais l’obéissance aux règles sociales, quand elle est aveugle et mécanique peut s’avérer contraire au devoir de fraternité. Ce fut le  drame d’Antigone écartelée entre les lois de la Cité, symbolisée par le tyran Créon qui interdisait l’inhumation de son frère et son amour pour son frère qu’elle ne pouvait laisser sans sépulture. La pandémie au Covid-19 a aussi montré les conflits qui peuvent surgir entre certaines règles (reliance sociale) et le devoir de fraternité (reliance à l’égard d’autrui).

La reliance doit aussi s’exercer à l’égard de notre environnement minéral, végétal, animal menacé aussi de déliances dont certaines peuvent être favorisées par les activités humaines.

La reliance et la déliance ont aussi une dimension cosmique : des forces d’intégration et de désintégration, des forces de vie et de mort, lesquelles vaincront ? En effet, « un monde ne peut advenir que par la séparation et ne peut exister que dans la relation avec ce qui est séparé… Plus nous sommes autonomes et responsables, plus nous devons assumer l’incertitude et l’inquiétude, plus nous avons besoin de reliance. Plus nous prenons conscience que nous sommes perdus dans l’univers et que nous sommes engagés dans une aventure inconnue », plus nous avons besoin de nous relier à nos frères et sœurs en humanité. Pour les croyants, la foi est un acte de reliance (religion)  cosmique à l’égard de Dieu, source de l’amour, auquel sont tentées de faire barrage des forces de division : d’ailleurs le mot Diable ne signifie-t-il pas précisément le diviseur ?

On pourra consulter Edgar Morin ; La méthode 6. Ethique. Seuil, Paris, 2004,

Marcel Bolle de Bal. Ethique de reliance… Nouvelle Revue de psychosociologie, 2009/2, 8 : 187-198.

Bruno Bettelheim. Survivre, Robert Laffont, 1979